Chronique #53 : La rupture amoureuse.

Ce qui suit est un bref résumé de mon livre Guérir d’un chagrin d’amour publié chez Jouvence.

Les moments critiques
La vie de couple est tout, sauf un grand fleuve tranquille. De nombreux moments critiques parsèment l’évolution conjugale et sont souvent le prétexte d’une rupture amoureuse : la désidéalisation qui marque la fin de la passion, une aventure extraconjugale et la mort d’un enfant sont ceux qui ont les plus haut taux de séparation, mais l’arrivée d’un enfant, le déménagement, une promotion ou une perte d’emploi, le départ des enfants et la mise à la retraite sont aussi des moments susceptibles de provoquer une rupture.

Les étapes du chagrin d’amour
Ces étapes sont au nombre de cinq et existent autant pour la personne initiatrice de la séparation que pour la personne abandonnée. Elles se superposent et sont les mêmes que les étapes vécues lors d’un deuil.

  1. Le déni de la séparation ;
  2. Envahissement d’émotions : colère, tristesse, culpabilité, désarroi, doute, frustration, ambivalence… ;
  3. Le marchandage : l’initiatrice voudrait que l’autre apporte des changements que l’abandonnée sera prête à faire lorsque l’initiatrice annoncera sa décision de rompre ;
  4. La dépression : la dépression mène à la résignation laquelle est vécue parfois pendant des années avant que l’initiatrice annonce sa décision, dépression qui débutera alors pour l’abandonnée ;
  5. L’acceptation : l’annonce de la décision par l’initiatrice est vécue comme une délivrance, alors que l’abandonnée mettra parfois de deux à cinq ans pour y arriver.

La différence entre la résignation et l’acceptation, c’est que la première est subie alors l’acceptation initie une nouvelle vie.

Les symptômes physiques
Les répercussions somatiques sont nombreuses et variées : crampes intestinales, nausées, diarrhées, maux de tête et de dos, indigestion, insomnie, perte de libido et d’appétit, hypertension, agitation, fatigue intense, perte de poids et, parfois, troubles cardiaques. On voit aussi, chez les hommes, un taux de surmortalité plus élevé que celui des femmes.

Les symptômes psychologiques
Là aussi, ils sont nombreux et très intenses selon les personnes. En plus de toutes les émotions énumérées ci-dessus, signalons des repris sur soi, une perte de confiance et d’estime en soi, de l’asociabilité, des réactions paranoïdes, des idées obsédantes, du mutisme, des ruminations… Les pires réactions : suicide, féminicide et familicide.

Savoir s’il faut quitter
Vous trouverez ici un test de bonheur conjugal qui vous donnera une bonne idée de l’état de votre couple. Il existe des relations toxiques qu’il est préférable de quitter au plus tôt. Mais si vous êtes dans l’ambivalence, voici quatre questions qui pourraient vous aider à prendre la décision de partir ou de rester :

  1. Est-ce que les bénéfices que je retire de cette relation sont plus importants que ce qu’il

    m’en coûte ?

  2. Se peut-il que mes attentes face à la vie de couple soient infantiles ou narcissiques ? Que je veuille rompre pour de mauvaises raisons ? Parce que mon partenaire ne correspond pas à l’image idéale que je me suis faite de l’ « âme soeur » ? Parce qu’une nouvelle passion se pointe à l’horizon ?

  3. Se peut-il que je reste avec mon partenaire pour des raisons autres que l’amour ? Pour les enfants ? Pour le confort matériel ? Pour l’argent ? Pour la belle-famille ? Par peur de la solitude ?

  4. Si la relation ne change pas d’ici cinq ans, en voudrais-je encore ? Serais-je capable de vivre pendant des décennies dans un tel statu quo ?

Il peut être difficile de répondre à ces questions, particulièrement celles qui font référence à l’égocentrisme. C’est pourquoi il peut être utile d’en parler autour de soi et de consulter un thérapeute conjugal. Celui-ci pourra, mieux que vous, procéder à cette évaluation.

Les trois dimensions d’une rupture
Toute rupture amoureuse provoque une révolution dans trois dimensions de la vie d’un couple et des personnes concernées.

  1. Les considérations pratiques, soit le partage du patrimoine, la garde des enfants et le paiement d’une pension alimentaire. Un médiateur est le meilleur professionnel pour vous aider à vous séparer sans tout briser. Les normes sont toutefois très différentes d’un pays à l’autre.
  2. La remise en question des croyances sur le couple, l’amour, la séparation. Ces croyances se sont généralement développées durant l’enfance et encouragées par le milieu social et religieux.
  3. Le besoin d’aimer et d’être aimé. Quoique l’amour ne soit pas un besoin vital, aimer et d’être aimé est fondamental chez l’être humain. La satisfaction de ce besoin rend la vie drôlement plus intéressante et est une source d’énergie fantastique. Le problème réside toutefois dans le fait que le besoin d’aimer et d’être aimé enferme trop souvent des personnes dans des relations de co-dépendance ou des relations qui à la longue deviennent toxiques. D’où la nécessité de faire un bilan des relations amoureuses antérieures pour éviter la répétition d’un pattern.

Stratégies pour survivre à une relation amoureuse
Initiatrice comme Abandonnée deviennent nostalgiques lorsqu’elles se rappellent les moments heureux de la relation passée. Ce faisant, leur cerveau reproduit de la dopamine, associant plaisir et souvenir, et renforce l’engramme (1). Un moyen simple pour accélérer l’acceptation de la  rupture consiste à se remémorer tous les moments difficiles passés avec le partenaire et à faire une liste de tous ses défauts par écrit et sortir la liste lors de périodes nostalgiques.

Il est préférable, lors de rupture, de conserver ses activités professionnelles, sociales, sportives ou culturelles. Si vous cessez de travailler, si vous vous isolez, vous accentuerez le vide créé par la rupture. Vous aurez alors plus de temps pour ruminer. Vous forcez à travailler ou à sortir, malgré votre douleur, vous aidera à penser à autre chose et diminuera le temps où votre cerveau est envahi par la pensée de la perte. Non seulement devez-vous demeurer actif, mais vous pourriez aussi profiter du temps qui vous est maintenant imparti pour réaliser des projets ou des rêves longtemps mis de côté parce que vous vouliez investir dans votre couple et votre famille.

Il n’existe rien de mieux, pour guérir d’un chagrin d’amour, que de retrouver un nouvel amour. Il est toutefois évident que vous devez prendre le temps de vous délier totalement, de panser votre chagrin avant de penser à vous relier, mais la possibilité de nouer une nouvelle relation amoureuse accélérera le processus de deuil. Vous vous devez aussi de faire un bilan de votre ou vos relations amoureuses passées afin de voir où est votre responsabilité dans le fait qu’elles n’ont pas réussi à réaliser votre rêve d’un amour à long terme.

Les tenants de l’approche émotivo-rationnelle soutiennent que les idées sont à la base des émotions, même les plus dévastatrices. Pour eux, le problème réside davantage dans la perception de la situation problématique que dans la situation elle-même. C’est pourquoi ils proposent donc de modifier des idées qui nous rendent malheureux, comme : « Ma vie n’a aucun sens sans mon partenaire » en croyances qui nous rendent heureux, comme : « La vie existe après le divorce et elle est souvent meilleure ». La chanson de Jean-Pierre Ferland, Qu’est ce que ça peut ben faire, va exactement dans ce sens.

D’autres moyens, tels la programmation neuro-linguistique, votre entourage et l’aide d’intervenants (médecins, psychologues, conseillers spirituels) peuvent aussi vous aider à surmonter votre chagrin d’amour.

Et après !
Toute rupture est un moment critique qui devient un point tournant dans la vie de chacun d’entre nous parce qu’elle nous remet personnellement en question. Elle remet aussi en question nos conditionnements, nos habitudes et nos croyances acquises pendant l’enfance et l’adolescence au sujet de l’amour et de la vie à deux. Une séparation nous oblige à nous adapter à une nouvelle situation que nous n’avons pas nécessairement recherchée.

Prendre la décision de quitter n’est pas facile et il ne faut pas non plus prendre cette décision sur un coup de tête, après une dispute avec son partenaire par exemple, malgré l’intensité de la dispute. Le couple est source de conflits, souvent insolubles, et passe nécessairement par des moments critiques. Ces conflits et crises nous confrontent et nous forcent à évoluer ; c’est pourquoi il ne faut pas jeter la serviette trop rapidement et essayer de tout faire pour sauver notre couple, sous peine de répéter le même scénario ailleurs. Mais il y a aussi des relations toxiques qu’il nous faut quitter au plus tôt, des relations qui nous isolent et nous font perdre petit à petit l’estime de soi et la confiance en soi et en l’autre sexe.

Que vous décidiez de quitter ou que vous soyez quitté, vous passerez par les mêmes étapes de choc, de colère, de marchandage, de tristesse et finalement de résignation et d’adaptation à votre nouvelle vie. Vous aurez mal, votre corps souffrira, vous risquez d’être confus et désespéré, vous vivrez aussi un mal à l’âme, mais à moins de vous ouvrir les veines ou de vous tirer une balle dans la tête, vous survivrez. Cela prendra du temps, mais vous survivrez. On ne meurt pas d’un chagrin d’amour.

Vous vous en remettrez d’autant plus rapidement que vous utiliserez les bonnes stratégies pour survivre à votre chagrin d’amour. Vous pourrez même découvrir en vous, et autour de vous, des ressources insoupçonnées et une nouvelle vie que vous n’aviez pas imaginée possible. Et n’essayez surtout pas de vous convaincre que vous n’êtes pas fait pour l’amour, que personne d’autre ne voudra de vous, que de toute façon mieux vaut ne pas aimer pour éviter de souffrir car la souffrance provoquée par l’absence d’amour est pire que la souffrance d’un chagrin d’amour.

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1. En gramme : Trace organique laissée par un événement dans le fonctionnement bio-électrique du cerveau et qui constituerait la base matérielle du souvenir. (Antidote)