On le sait, la sexologie, c’est le discours sur le sexe. La psychologie, c’est le discours sur l’âme (du grec psukhê, âme, et logos, parole). Pour la psycho-sexologie, la dimension sexe représente la nature (les instincts, la biologie, la génétique…) et l’âme représente la culture (l’éducation, les conditionnements, les normes sociales et culturelles…).
La nature est plutôt rigide et impulsive là où la culture est diverse et variable. La nature, c’est le cadre déterminé par l’hérédité humaine ; la culture, c’est la conscience et la capacité de se projeter dans le passé et l’avenir, tout en vivant au présent[1]; la culture, c’est l’intérieur du cadre, intérieur que l’on peut aménager selon un certain arbitre et les limites imposées par le cadre. L’être humain est un animal (nature) conscient de son corps (sensations – sexe), conscient de son cœur (émotions – relation) et conscient de sa tête (conscient d’être conscient – sentiments).
Pour les psycho-sexologues, le corps est le fondement de l’esprit conscient, lequel esprit est au service du corps, et non pas l’inverse. La culture humaine est une création de la nature devenue consciente pour améliorer les stratégies d’homéostasie et de survie de la nature humaine. C’est souvent lorsque l’esprit croit que le corps est à son service que le corps envoie des messages à la conscience lui disant que l’esprit gère mal le corps. Ces messages prennent la forme de déséquilibres, de dysfonctions ou de véritables maladies physiques, mentales, émotives et / ou sexuelles. « La conscience est là pour gérer et préserver la vie aussi efficacement que possible[2]. »
L’être humain est aussi un animal social et un animal qui se veut monogame malgré sa nature polygame. Il forme donc des couples, et ces couples vivent en société, pour mieux assurer l’évolution de l’espèce. Quoique des difficultés sexuelles puissent exister sans déséquilibre relationnel, elles en sont souvent une manifestation. D’un autre côté, des difficultés conjugales peuvent exister sans répercussions sur la sexualité. Elles sont toutefois fréquemment inter-reliées, d’où la nécessité d’en tenir compte en thérapie. C’est, à notre avis, l’essence même de la psycho-sexologie.
Mais, pourquoi « positive » ? Tout simplement pour signifier qu’au lieu d’élaborer de nombreuses théories sur le comportement sexuel ou humain, qui ne sont en fait que des hypothèses, la psycho-sexologie observe plutôt le comportement dans sa réalité concrète à la recherche de « ce qui fonctionne ». C’est aussi pour signifier que, dans le cas des couples, il y a toujours trois points de vue dont il faut tenir compte : celui de la femme, celui de l’homme et celui du couple et que les trois sont à la fois 100 % responsables et co-responsables de l’état de chacune de ces trois entités[3].
Par exemple, au lieu de mettre de l’avant la communication conjugale chaleureuse, empathique et absente de violence pour la résolution des conflits conjugaux, l’observation des couples heureux à long terme et épanouis sexuellement nous démontre que ceux-ci apprennent plutôt à gérer, individuellement et conjugalement, des conflits pour la plupart insolubles. Autrement dit, ils se mettent d’accord pour vivre avec des désaccords à vie plutôt que de chercher à convaincre l’autre du bien-fondé de son point de vue ou à écouter « calmement et chaleureusement » le point de vue de l’autre, comme nous l’a si bien démontré l’équipe de Gottman[4]. Celui-ci a aussi démontré que les membres des couples heureux se disaient de cinq à dix fois plus de compliments que de reproches et qu’ils ne croyaient pas à la critique dite constructive, même si cette dernière est exprimée selon des principes de la C.N.V. (communication non violente).
La méthode de la psycho-sexologie est donc davantage psychopédagogique que psychothérapeutique. Elle comporte à la fois une dimension pédagogique, psychologique et expérientielle ou comportementale. En se sens, elle se rapproche davantage de la thérapie émotivo-rationnelle ou cognitivo-comportementale (TCC).
La psycho-sexologie vise trois objectifs majeurs : la responsabilisation conjugale personnelle (RCP), le développement de l’intelligence émotionnelle conjugale (IEC) et le développement de l’intelligence sexuelle (DIS), personnelle et conjugale.
La responsabilisation conjugale personnelle. Peu importe notre hérédité et notre éducation, chacun d’entre nous, une fois adulte, devient totalement responsable de sa vie et des quatre dimensions de sa vie : professionnelle, partenariale, parentale et personnelle. C’est ma théorie des 4P. La responsabilité, c’est la capacité que possède une personne à répondre le plus adéquatement possible à une situation donnée, peu importe que cette situation fasse appel à ses ressources intellectuelles ou à  son intelligence émotive. C’est aussi la capacité morale et intellectuelle de prendre des engagements, de les respecter et d’en assumer les conséquences.
La personne adulte est responsable d’elle-même à 100 %, donc responsable à 100 % de son bout de la relation avec les autres et en particulier avec son partenaire. Elle ne peut accuser l’autre, ou les autres, d’être responsable de son bonheur ni de son malheur, comme cela se passe si fréquemment chez les personnes malheureuses ou dysfonctionnelles. Nous savons qu’aucune thérapie conjugale ou sexuelle ne peut s’amorcer sans cette reconnaissance de co-responsabilité des protagonistes dans les motifs de consultation (sauf exceptions).
L’intelligence émotionnelle conjugale. On peut apprendre à être heureux. La personne intelligente émotionnellement sait que l’émotion est un message que son corps lui envoie pour le renseigner sur la satisfaction ou la frustration de ses besoins. La personne qui gère bien son intelligence émotive a donc appris a exprimer ses besoins plutôt que ses émotions, encore moins ses frustrations. La C.N.V peut peut-être aider à exprimer les émotions de façon moins violente, mais rien ne remplace l’expression des besoins et des émotions « agréables » pour garder la communication ouverte.
L’intelligence émotionnelle conjugale, c’est aussi la capacité à ne pas laisser les sensations et les émotions des deux premiers cerveaux (reptilien et mammalien) envahir les pensées du cerveau humain (néocortex) et diriger notre vie. C’est la capacité d’exploiter nos émotions de façon positive plutôt que de les « déverser » sur autrui. C’est aussi la capacité de percevoir et d’accepter que l’autre ait aussi des émotions, dont nous ne sommes pas responsable. C’est finalement la volonté et la capacité à partager les sensations agréables, les émotions positives et les pensées heureuses.
Exemple d’une « application » de ces deux objectifs de la psycho-sexologie positive. Vous arrivez en retard et cela provoque la colère de votre partenaire (attaque). Une réaction atavique et humaine bien compréhensible est de justifier votre retard (défensive). Et de faire remarquer que l’autre aussi est parfois en retard (contre-attaque). Mais plus vous justifiez votre retard, plus votre partenaire en remet car il ne s’est pas senti reçu et compris. Cette nouvelle attaque amènera une défensive plus serrée et intense. Et ainsi de suite, dans une schismogenèse complémentaire sans fin.
Vous êtes responsable de votre retard, point. L’autre est seul responsable de sa colère (il aurait tout aussi bien pu exprimer de la peur ou de la tristesse devant votre retard). Mais vous êtes responsable de votre réaction à sa colère. Si au lieu de vous justifier, vous dites : « Si je comprends bien, tu avais hâte que j’arrive, mon Amour. Moi aussi. Tu veux bien excuser mon retard ? » vous augmenteriez les probabilités de passer une soirée en agréable compagnie, alors que si vous vous défendez… Évidemment, votre partenaire aurait aussi pu vous sauter dans les bras en exprimant sa joie devant votre arrivée, même tardive. Ce n’est donc pas votre retard qui est responsable de la colère de votre partenaire, mais bien sa perception ou son interprétation de votre retard. Qui d’entre nous n’a jamais été content que des invités arrivent en retard ?
L’intelligence émotionnelle conjugale permet de faire la part des choses. Vous comprendrez facilement que les couples heureux à long terme sont ceux qui sont formés de deux personnes qui prennent à 100 % la responsabilité de leur couple et qui exploitent positivement leurs réactions émotives.
L’intelligence sexuelle. La notion de l’intelligence sexuelle est assez récente. Depuis les travaux du psychologue américain Howard Gardner, on sait qu’il existe diverses formes d’intelligences spécifiques dans différents domaines de la vie courante : il en dénombre neuf[5]. Après Gardner, le champ était ouvert pour accueillir de nouvelles formes d’intelligence : sociale, pratique, émotionnelle… et sexuelle. Pour Conrad & Milburn[6], l’intelligence sexuelle n’est pas une affaire de chance, de beauté ou de sex-appeal. Elle dépend d’aptitudes que l’on peut acquérir, améliorer, maitriser au fil du temps. En psycho-sexologie, voici comment on se représente cette notion : ce serait la capacité à connaitre et à maitriser « sa » sexualité, et à comprendre celle de son (sa) « partenaire ». Ainsi, la personne sexuellement intelligente est celle qui a appris comment fonctionne son corps, qui l’a érotisé et « dompté ». Elle connait aussi le fonctionnement sexuel de son partenaire, est à son écoute, utilise au mieux les techniques amoureuses apprises pour procurer plus de plaisir aux deux.
En général, on acquiert cette intelligence après la trentaine ou la quarantaine. Certes, il en existe qui possèdent cette intelligence sexuelle plus jeune, mais ils savent qu’il y a encore tout un chemin à suivre pour connaitre la félicité sexuelle et qu’elle passe par un apprentissage. Ceux-là  possèdent déjà un don et, pour parvenir à leurs fins, ils utilisent deux outils indispensables : la curiosité et la volonté ! La sexualité n’est pas naturelle, et sa construction est un mécanisme évolutif. Avec les années, la plupart des hommes passent (ou veulent passer, sans savoir comment y arriver) d’une sexualité centrée sur soi à une sexualité centrée sur le plaisir de l’autre[7]. Quant aux femmes, elles apprennent à ne pas faire l’amour que pour faire plaisir à leurs partenaires, mais avant tout, à se faire plaisir. La félicité sexuelle est atteinte quand on sait « donner », « recevoir » et « prendre » du plaisir.
Conclusion : une ébauche
Le but principal de la psycho-sexologie positive est d’aider les gens à communiquer, à développer leur capacité à résoudre les problèmes solubles, à gérer les conflits insolubles, à atteindre l’épanouissement sexuel et à  relancer la dynamique de l’aventure conjugale. Ce sont les objectifs que nous visons lors de nos thérapies conjugales et sexuelles.
Notre espoir en développant cette ébauche de ce que nous appelons la « psycho-sexologie positive » est d’intégrer tout ce que la psychologie, la sexologie, les autres sciences humaines et biologiques, tout particulièrement les neurosciences, ont pu nous apprendre sur le comportement humain et ce qui pourrait permettre à l’être humain de s’actualiser et d’être mieux et plus heureux, seul ou avec d’autres. Pour nous, le bonheur se définit par l’harmonisation du sexe, du cœur et de l’esprit, tous trois orientés dans la même direction. Nous comptons sur l’aide de nos confrères et consœurs pour alimenter notre réflexion.
P.S. Vous trouverez un article plus détaillé sur la psycho-sexologie positive ici.
Yvon Dallaire, M.Ps., est psychologue, conférencier, formateur et auteur de nombreux volumes sur les relations homme – femme, dont une trilogie sur le bonheur conjugal. Il est le créateur d’une formation en thérapie conjugale positive court terme et axées solutions
Dr Iv Psalti, Ph.D., est docteur en sciences biomédicales, sexologue, conférencier et formateur. Il a écrit plusieurs livres sur la sexualité positive et anime une formation en thérapie conjugale et sexuelle.
Références
[1]La nature n’a pas besoin de conscience pour assurer son homéostasie et sa survie, objectifs premiers de la vie. La conscience se développe chez les êtres vivants au fur et à mesure que ceux-ci se complexifient. On peut facilement comparer l’évolution de la conscience à l’évolution des trois cerveaux : reptilien, mammalien et primate. Les deux premiers sont rigides et impulsifs (on peut les associer à l’inconscient profond) ; seul le troisième est facilement malléable : c’est ce cerveau qui crée la culture qui, a son tour, peut influencer la nature en la contrecarrant ou en l’exploitant.
[2]Damasio, Antonio, L’autre moi-même, Paris, Odile Jacob, 2010, p. 35.
[3]D’où la trilogie du bonheur conjugal du psychologue canadien Yvon Dallaire :
– Qui sont ces couples heureux ? Traité de psychologie des couples heureux (2006) ;
– Qui sont ces femmes heureuses ?La femme, l’amour et le couple (2009) ; et
– Qui sont ces hommes heureux ?L’homme, l’amour et le couple (2010).
[4]Gottman, John et Silver, Nan, Les couples heureux ont leurs secrets, Paris, JC Lattès, 2000.
[5]Gardner, Howard, Les Formes de l’intelligence, Paris, Odile Jacob, 1997.
[6]Conrad, Sheree & MILBURN, Mickael, L’Intelligence sexuelle, Paris, Payot, Paris, 2002, cité par Psychologies, juillet 2002, p. 64.
[7]Psalti, Iv, Sexe : savez-vous vous y prendre avec les hommes ? Bruxelles, Ixelles éditions, 2011.
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Je vous souhaite une excellente journée et beaucoup de bonheur seul et à deux.